Écrire en voyage c'est mettre du vernis sur les expériences, les images, les rencontres, c'est figer l'instant, le graver, l'attraper avant qu'il ne se dilue...
Peut-être parce que c'est mon 6ème voyage à Cuba, je ne parviens pas à écrire au quotidien, et comme à la maison, les jours se confondent entre eux, bien qu'un décompte ait commencé pour moi, celui des jours qui restent avant que je retrouve mes amours.
Je vais quand même essayer de vous raconter un peu!
Sortir de l'aéroport et monter dans un taxi qu'il faut redémarrer à chaque feu rouge ça remet dans le bain. Il y a des habitudes qu'il faut reprendre.
Habitude 1 : ignorer les piropos presque systématiquement
Le piropo cubain est selon moi le plus oppressant, parce qu'il est omniprésent. On s'y habitue tellement que le jour où on ne se fait plus siffler, le jour où le rebondi de notre derrière n'est plus commenté, on s'inquiète!
Il y a les commentaires ronronnants,"ojos más lindos", "que belleza", "linda mami", "preciosa", et mille autres déclinaisons soft complimentant le physique. Il y a le spécial touriste, "hey lady!! Where are you from?" généralement accompagné d'une offre pour un taxi ou pour un novio cubano. Il y a les grossièretés, dégoûtants fantasmes susurrés à voix basse, je bouche mes oreilles. Le combo gagnant? Gros dégueulasse spé tourisme qui me réserve un "i suck your pussy" des plus sales... Les plus rares sont les plus agréables: les vieux qui cèdent le passage avec un regard pétillant, le musicien qui entame la marseillaise à mon passage pour me faire sourire... Bref demoiselle à Cuba, grosse maigre, grande petite, blonde brune, noire blanche, pleine de cellulite moustachue, peu importe, t'es un bonbon et il y a toujours un gourmand qui t'enlèverait bien ton emballage. Le tout c'est de le garder intact.
Ah oui! Et se souvenir, que quand le gars de la cafétéria te dit "mi amor", "mi vida", "mami", "amiga", ça n'a rien de personnel, c'est une façon de dire "madame"... Cuba
Habitude 2 : regarder où tu marches
Les trottoirs sont tellement défoncés, que trébucher peut s'avérer fatal pour une chaussure (que le zapatero réparera avec virtuosité là où le cordonnier français t'aurais renvoyé chez eram) ou pour une cheville (le zapatero ne peut rien pour elle en revanche). En claquettes il faut éviter la moindre flaque, pour éviter de se moucheter les mollets (que tu as à l'air puisqu'il fait 30°). Un denivellé soudain peut surprendre, tout comme la matière du sol, passer en talons du béton au marbre un soir de pluie peut se révéler périlleux.
Le plus difficile est de réussir à rester attentif à tout, tout en regardant droit devant, pecho y culo afuera, barriga adentro, et oreilles bouchées aux insanités. Le tout sur de nombreux kilomètres en pleine chaleur parce ce que tu n'oses pas prendre le bus -celui où il n'y a apparemment jamais de place à en croire les ventres écrasés contre les portes vitrées-, parfois en te perdant et en tombant dans des quartiers où tu te découvriras une étonnante faculté a slalomer entre tas de déchets, joueurs de dominos, et tiburones au langage châtié, le cœur battant parce que là ils ont pas tous l'air gentil. Et encore plus vite après 22h. Cuba --'
Habitude 3 : manger dehors
Mani en barra (barre de pâte de cacahuète à tomber par terre, ma glycémie fait du trampoline), refresco (c'est la loterie, parfois c'est bon et citronné, parfois c'est comme l'exomuc...), pan con croqueta (je n'ai toujours pas deviné le contenu de la croqueta, je sais seulement que c'est bon, délicieusement gras et salé, fondant dedans et croustillant dehors), pizza napolitana (de la pâte ni trop épaisse ni trop fine , du fromage et de la purée de tomate, no mas), cangrejos (petit beignets à la goyave uy uy uy), batido de mamey ou zapote (un fruit inexistant dans nos contrées lointaines, rouge et fibreux dedans, marron dehors, un délice en batido même quand le lait est en poudre), petites bananes sucrées, cafecitos... Le tout en pesos cubains, avec la même huile et le même sucre qui se promènent au bord des shorts, sur les hanches et les arrières trains qui ont l'habitude 1... Cuba