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Etape 5-5 > La Colombie : Leticia, Calderon

Calderon - Vert luisant

 

J135

Le temps vole, moi aussi. Des arbres á l'infini, la vue du hublot sur la forët amazonienne est saisissante, tout comme la moiteur qui m'enveloppe á la descente de l'avion.

Je prends un taxi déglingué conduit par un papy filou, puis un combi pour le km11 de la route vers nulle part. En moins de deux me voilá au Omshanty, dans un dortoir cabane au milieu des arbres, conversant avec ma nouvelle copine, Binkie. Kiké, surnommé "le seigneur des anneaux" par les locaux á cause de ses nombreux piercings au visage, nous recommande de rencontrer un certain Miguel, chamane vivant á quelques 8h de marche. Arno sera notre guide, tout est arrangé. La nuit et la pluie peuvent tomber.

 

J136

Nous préparons l'expédition, un peu de matériel et de nourriture, fruits et légumes du marché oú se balancent lentement d'énormes morceaux de viande, esquivant difficilement les mouches... Et des cadeaux, café, mambé (poudre á base de coca á peu prés aussi énergisante que 10 cafés-redbull), panela, tabac...

Je retourne au km11 pour faire exploser ma glycémie avec le café et le pain de mamie-qui-rigole, tout en observant d'un oeil le borracho d'á côté qui termine les phrases du chanteur chaque fois que le cd de vallenato saute. Souvent. Un peu plus tard la borrachera me fait beaucoup moins sourire puisque c'est Arno qui est cuit. Binkie et moi croisons les doigts pour qu'il soit apte á nous guider demain.

 

J137

Oeufs au beurre et café sucré de mamie-qui-rigole. Arno se pointe en retard et encore complétement rond. Furieuses nous décidons néanmoins de partir avec lui, espérant que la marche fera descendre l'alcool. Microbus jusqu'au km18, marche jusqu'au 22, et nous entrons dans la zone du Calderon, lá oú la route prend fin. Arno trace loin devant, dopé au mambé. La foret est inondée, il faut marcher lentement pour éviter de trop se tremper ou s'enfoncer dans la boue. L'énorme poncho prêté par Kiké me géne quand il faut jouer les funambules sur des troncs. Le sentier reste relativement évident, mais il faut être vigilant á chaque pas, á chaque endroit oú nous posons nos mains, pour limiter les mauvaises rencontres. Arno se montre enfin un peu présent quand l'eau nous arrive jusqu'á la taille, puis jusqu'aux aisselles et qu'il faut chercher le pont submergé á tatons. En équilibre sur le tronc, les sacs hissés au dessus de la tête, nous passons chacun notre tour, espérant ne pas trébucher et finir dans la riviére qui se confond désormais avec la foret. Une maison sur pilotis apparaît bientôt, et Don Jairo a l'amabilité de nous prêter une pirogue pour nous rendre chez Miguel par la voie des eaux. Et c'est ici, qu'avec respect, je remets son grand "A" au mot Aventure...

Résumons : Arno devant, moi au milieu, Binkie á l'arriére. Tout irait bien si la pirogue n'avait pas un énorme trou, si le seau pour écoper n'était pas attaché á l'avant, et si le moindre mouvement ne risquait pas de nous faire chavirer. Donc tout va mal. Binkie, étrangement calme, supplie Arno de s'approcher de la rive "parce que dans 2 min on est sous l'eau", et moi je sers á rien, je m'efforce seulement de ne pas transformer ma panique en hystérie -et de ne pas penser aux piranhas et autre bêtes de l'amazonie qui me filent les chocottes-. Quand nous atteignons enfin le bord, la pirogue est pleine d'eau et Arno réalise que nous avons eu de la chance de flotter jusque lá. Le seau libéré je suis chargée de l'écopage et de l'équilibre de notre embarcation, et mes deux compagnons rament. Flottin flottant nous arrivons chez Miguel avant la nuit. Lui, et Adriana, enceinte, nous accueillent comme s'ils avaient toujours su que nous arrivions. Tout le monde se met a mambear, moi ca me tente pas plus que ca, mais je rigole bien de voir la fumée verte s'echapper de leur bouche au moindre mot. Puis la chicha, chontaduro (fruit d'un palmier) fermenté, couleur potiron, la boisson est un peu forte pour moi.

 

J138

Le thé sur le feu, la douche dans la source, les petits poissons curieux, le bourdonnement du colibri... Tout invite au calme ici. Les conversations autour des flammes avec ces deux personnages tout maigres, et l'invitation á participer á la prise du yagé (ayahuasca), prévue pour aprés-demain.

Symphonie de grillons géants en coa mineur.

 

J139

6h, tout le monde s'active : Miguel part á la pêche, Adriana, Binkie et moi commencons á préparer le jus d'asayi. Arno en a descendu d'énormes grappes des palmiers. Il faut d'abord écraser le fruit pour séparer la pulpe du noyau, puis rincer pour récuperer le plus de matiére possible avant de jeter les noyaux. Nous filtrons le tout, obtenant un épais jus violet, délicieusement riche, un bol et je suis calée... surtout aprés le poisson - Miguel se moque de moi car j'ai du mal á manger la tête- et le casabe (galette á base d'amidon de yuca).

Jairo et Jorge viennent prêter main forte pour préparer le yagé, coupant et hachant la liane finement pour réveler tout son pouvoir, la faire bouillir avec des feuilles de chakruna. La préparation mijote des heures sur un grand feu, et il ne doit rester que trois doigts dans le fond de la marmite. Concentré hallucinogéne, contenu du message que la plante délivrera á chacun.

 

J140 - Abscence totale de pudeur dans cet article, attention les yeux-

En me baignant dans la source je cherche des yeux le bébé caïman apercu hier. Je pars á la pêche avec Arno et Jorge, et j'écope -pour changer-. De toute facon aucun poisson ne veut de mon beau grillon vert, auquel j'avais pourtant soigneusement arraché les pattes. L pluie tombe comme une grosse douche, nous allons déjeuner chez Jairo oú je me réchauffe au feu tandis que les garcons retournent pêcher. Nous ramenons les pirogues et les poissons au "port" (un arbre parmi tant d'autres) et allons assister, émerveillés, á la métamorphose de deux énormes chenilles  fluos chez Miguel.

La nuit tombe bientôt, nous allons chez un voisin (15min á pied), un vieux monsieur au cou tout gonflé qui nous prête sa maison pour la prise de "la medicina".

*****

Nous formons un cercle, l'air embaume le palo santo, et une unique bougie éclaire nos 8 faces. Miguel se déplace, cigare en bouche, et s'arrête avec le bol devant Curamba. "Salud, y buena pinta". Puis Arno, Jorge, jairo, Binkie et moi-même. Le végétal lui-même dicte la dose au buveur, la mienne est si petite que Miguel m'en rajoute. Je demande au Yagé de m'enseigner ce qu'il doit, et avale l'amer contenu en 4 gorgées. Adriana et miguel prennent une bonne dose, puis chacun va s'installer dans un coin en attendant la "pinta".

Certains commencent déjá a vomir et á s'éloigner pour aller déféquer dans la nature. Miguel entame de superbes chants, s'accompagnant de son plumeau de feuilles.

Ma pinta commencent tellement doucement que je mets les visions sur le compte de mon cerveau frustré de ne pas voir. Et puis ca arrive plus fort, dans un tel chaos que je ne sais quoi regarder en premier.

Dans le cadre formé par l'ombre des palmiers, un tissu se dessine, formé de zig-zags et de L noirs, dans un halo arc-en-ciel. Un serpent á la peau verte et dorée nettoie mes cellules. Un autre entre en moi, suivi d'un poisson. Le serpent se transforme en spermatozoïde venu féconder le poisson devenu ovule. Une magnifique femme-arbre, noire et verte, me dit que je n'ai pas besoin de la plante pour apprendre. Un masque africain, d'ivoire et de bois tournoie, tandis que j'observe un défilé de bébés blancs et noirs au cheveux bouclés. Les bébés s'arrêtent et les couches s'envolent en une magnifique spirale multicolore. Il y a aussi les crânes et les squelettes, et je crie "Non!" pour que mon esprit les chasse. Un miroir me montre mon visage de ma naissance á ma mort á un rythme stromboscopique. Je crie encore "Non" quand je vois mon visage blessé.

Je titube dans le jardin, heureuse que le chien m'ait suivie. Il me protége des bêtes sauvages. Je crois. Je ne tiens pas debout. Je pense á mon Marco et á ma famille. Loiiiinnnn. Je reste assise sur un banc, dans l'obscurité incompléte puisque chaque mouvement de mes mains est accompagné de longues traînées lumineuses. Je voudrais vomir, mais mes intestins ont une autre idée... Je trouve un arbre prés de la cuisine, en espérant qu'araignées et serpents laisseront mon derriere tranquille.

Tremblante je remonte sur le plancher de la maison, je rate le hamac et décide de rester oú mes bottes ne me portent plus : allongée sur le sol. Les moustiques attaquent mon visage et mes mains, je n'ai pas la force de les chasser.

Ma pinta n'est pas finie, un serpent mange un de mes ovaires et le remplace par un magnifique oeuf. Il m'assure de son oeil que ca va fonctionner parfaitement maintenant. Autour de moi certains ronflent, j'entends les échos gastriques de Curamba qui a pris double dose. Miguel ne chante plus. J'avance a 4 pattes au bord du plancher pour vomir dans le jardin, j'ai l'impression que ca me sort même par les yeux. La trame multicolore et les traînées de lumiére sont toujours lá, je m'endors, encore nauséeuse.

*****

 

J141

Chacun s´extirpe de sa torpeur, songeant au message de la liane. Emues, Binkie et moi disons aurevoir á Miguel et Adriana. Nous prenons les pirogues pour aller nous reposer chez Jairo. Arno revient de la pêche, au menu : piranhas !!

 

J142 > http://www.youtube.com/user/33kemar85#p/a/u/0/GQGZBR2R8EM

Nous marchons á bon rythme, d´autant plus que l´eau s´est retirée de la forêt. A la 1ere pause nous nous faisons offrir le café par 2 jeunes hommes qui ont eux aussi choisi de vivre en autarcie : ils depeçent un cerf et un agouti chassés ce matin. A la 2eme pause, Binkie repére une raie dans la riviére. Arno s´empresse de fabriquer un harpon avec sa machette et un baton, et embroche l´animal qui tente de se défendre de son dard puissant. En vain, la raie rend son dernier souffle de façon trop humaine... Nous lui demandons pardon et lui disons merci, car elle sera le dîner.

Mon genou me fait souffrir tout le reste du chemin, je ne suis bien que la jambe tendue, mais pour marcher, il faut plier... J´endure les derniers km au bord des larmes et désséchée. Arno coupe une liane de laquelle s´écoule une eau délicieusement sucrée. Quand nous débouchons enfin sur la route, le combi est déjá en train de s´éloigner... Raté. Heureusement c´est l´heure de la livraison d´Aguila : Arno est aux anges, assis au milieu des caisses de biéres.

La douche froide et crade est délicieuse. Les pains trop sucrés succulents. Le tape-cul luxueux. Le reggaeton dans la rue mélodieux. Et skype en petits carrés miraculeux! A la nuit je monte sur une moto pour rentrer au km11 oú de la raie en papillotte de banane au feu de bois nous attend, pour un dîner d´aurevoir... Cette semaine avec Binkie a été incroyable.

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<br /> Je suis scotché... Génial.<br /> <br /> <br />
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