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Je supporte les 5h de combi jusqu'à Sta Marta grâce à cette magnifique invention qu'est la cocculine. Le trafic est dense, sale, anarchique, et quand j'arrive au Dreamer's Hostel, plein, je négocie un hamac histoire de ne pas avoir à chercher un autre lieu. J'apprécie les chambres et les hamacs disposés autour de la piscine, le bar et la cuisine commune dehors, l'ambiance simple du lieu, et ne tarde pas à m'endormir, malgré la musique et quelques bousculades dans mon cocon au couleurs de la Colombie, jaune, bleu, rouge.
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Journée de glande au soleil. Je fais connaissance de Connie, de Buenos Aires, nous conversons beaucoup tandis que son fils Maxime joue dans la piscine. Je me détends, puis viens le soir, et l'animation salsa. Le prof a quelques bons jeux de pieds, mais rapidement c'est l'anarchie et le cours de salsa deviens un mix de samba, reggaeton, lambada,... et les élèves qui ne suivent plus deviennent des spectateurs passifs, tandis qu'il cherche à me mettre à l'épreuve. Ca reste un bon échauffement pour ce qui suit, soirée en boîte avec un groupe d'argentins fort sympathiques qui sont tellement galants qu'il ne veulent pas me laisser dormir dans mon hamac en rentrant. Très gentil, mais je vais rester dans mon chrysalide.
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La chiva du trek à La Ciudad Perdida vient nous récupérer. J'y piquerais bien un roupillon, mais l'inconfort du transport et la qualité de la piste m'en empêchent. Nous marchons tandis que le chauffeur, expert, extirpe notre camion de la boue. Il est temps de troquer les tongs contre les bottes. Nous rejoignons d'autres groupes pour manger avant d'attaquer le sentier. Maladresse en traversant la rivière, il me faut endurer le fouic-fouic dans mes bottes jusqu'à la pause. Au milieu de nulle part, une boutique, où un jeune indigène, tunique blanche et cheveux longs, boit un coca. Scène étrange pour nous, et pour lui, qui voit défiler des dizaines de blancs teintés de rouge, sacs au dos. On rencontre, on parle, et bientôt, le 1er refuge. Le soir ne tarde pas à tomber, pareil pour nous.
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Petit extra dans le trek : visite d'un "laboratoire de transformation de la coca". J'hésite avant de lâcher 30000COP, me demandant à quel genre de business je participe. Je me rassure en me disant que si c'est ouvert aux touristes, c'est forcément faux. Vite dit. Instructif cependant, puisque j'apprends toute la mer** qu'on mélange aux feuilles : sel, soude, acides, permanganate de quelquechose, calcium, essence (du venezuela, c'est moins cher). Le tout pour obtenir la pâte. Les cartels achètent la pâte, et ajoutent encore 4 produits pour obtenir la fameuse poudre. L'ingrédient le plus important pour que le processus fonctionne bien jusqu'au bout restant la corruption bien entendu : comment notre ami nous ferait-il ce petit cours de chimie dans la forêt -avec possibilité de goûter et d'acheter du produit fini- s'il ne filait pas la propina à la police ou à l'armée?
Nous attaquons de nouveau le sentier parfumé à la coriandre, traversant des rivières, des champs, des villages Kogis... Au refuge, tandis que certains se baignent, d'autres lavent leur linge mis à rude épreuve. Moi je reste fascinée par ce monsieur Kogi debout sur un rocher, sa tenue, son attitude et l'énergie qu'il dégage. Il me regarde. Le temps que je baisse les yeux il a disparu.
Le soir Ali nous explique les coutumes des Kogis, l'importance du chamane, les enfants, qu'il faut faire nombreux car seul un tiers survivra, leur vie en autosuffisance et les rares contacts avec les blancs. Je me couche au chant des crapauds qui se prennent pour des oiseaux, la tête pleine de nouvelles leçons.
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Marcher dans la forêt, traverser des rivières, tomber, se baigner. Croiser des Kogis, poporro à la main -calebasse contenant une poudre de coquillage qu'ils prennent avec des feuilles de coca mâchées : hautement énergétique-, grimper à flanc de montagne et réaliser que ce n'est ni Fort Boyard, ni la Piste de Xapatan, c'est pour de vrai!!!! Du nouveau refuge, nous attaquons les 1200 marches posées là il y a plus de 1200 ans par les Tayronas. Effort et sueur, les oooh et les ahhh ne tardent pas. Je suis émerveillée devant ce qui s'offre à nous, plateformes, terrasses, escaliers... qu'il faut s'imaginer ornés d'or et de figurines d'animaux. La brume noie la cime des palmiers au dessus des ruines, donnant au lieu un charme mystique à fermer toutes les bouches. Bien que les conquistadors aient pris soin d'importer fièvre jaune et grippe dans la région, nous apprenons que des descendants des Tayronas vivent encore dans les hautes terres, coupés de tout contact avec l'extérieur. Je traduis les mots d'Ali pour les anglosaxons et me nourris de son récit, passionant. Quelques photos avant que la neblina ne soit pluie, quelques échanges avec les militaires qui s'ennuient. On redescend prudemment, on retraverse le Rio de l'eau glacée jusqu'à la taille, et en dépit de la fatigue, l'envie de découvrir nos compagnons à la lueur des bougies retarde l'heure du coucher, et de la lutte contre les moustiques.
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Le corps a mal, mais il faut repartir. Ce qui descendait à l'aller grimpe au retour. J'avais oublié. En chemin un jeune Kogi est fasciné par la vidéo de Marco, ce carré dans lequel quelqu'un s'agite doit lui sembler hallucinant. Le reste du chemin je médite sur notre impact, touristes, sur ces gens, tellement en harmonie avec leur mère la nature et leur père le soleil. Et l'impact qu' eux, ont sur moi. Après le repas il faut encore marcher 4h jusqu'au 1er refuge, où la douche glacée est presque un bonheur. Je lutte encore contre le sommeil pour le plaisir de discuter avec Serge le vrai baroudeur, et Thomas, qui achève bientôt son tour d'Amérique du Sud, je bénéficie de l'expérience de mes compères sous la lune bientôt pleine.
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Derniers efforts, les langues déliées de la veille sont immobiles pendant l'effort. On admire une dernière fois le cadre superbe au milieu duquel on se sent Rien, on se baigne dans un bras de rivière où les guides font une infructueuse tentative de pêche, avant d'arriver enfin au resto où la chiva nous attends. Quand on a soif, le pepsi paraît soudain délicieux, quand on a marché 5 jours, le transport le plus pourri paraît soudain luxueux. Et notre petit groupe argentino-colombiano-coreo-americano-franco-chilenollandais revit la boue et les secousses jusqu'à Sta Marta.
Corey et moi sommes crevés mais nous trouvons les ressources pour aller faire la fête à Taganga avec les amis du Trek. La plage, la pleine lune, le rhum, les gens du monde entier ne parviennent pas à me retenir quand je tombe de sommeil. Taxi. Il y a quelqu'un dans mon lit. Je squatte celui de quelqu'un d'autre.
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Sourire et soleil. Des motos comme à Santiago de Cuba, et bientôt mon bus de nuit pour Medellin.